Voltaire, Candide:
"Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin."
B- le travail n'est-il pour l'homme qu'un moyen de subvenir à ses besoins?[/c]
Pourquoi cette question se pose-t-elle? En quoi fait-elle problème?
Le travail est au premier abord une activité pénible, contraignante dont on aimerait bien pouvoir se dispenser. L'étymologie et l'origine biblique du travail le pose comme la source d'une souffrance à laquelle il ne ns est pourtant pas possible de ns soustraire. En effet, partout et toujours l'homme doit travailler pour subvenir à ses besoins, pour vivre, cad pour se nourrir, s'habiller, se loger. La corrélation entre le travail et le besoin est incontournable. Mais le travail est-il réduit à cette nécessité biologique? Si le travail est, d'un point de vue économique, ce qui génère une rémunération permettant de satisfaire ses besoins peut-il être réduit à cette fonction purement économique? Les hommes se plaignent de devoir travailler pour vivre mais celui qui est privé de son droit au travail, s'il souffre de ne pouvoir satisfaire correctement ses besoins, n'aspire-t-il pas au travail pour d'autres raisons? Pour quelles raisons le chômeur qui peut, grâce au système d'aide sociale, vivre décemment cherche-t-il tout de même du travail? Le travail n'apporte-t-il pas plus et autre chose qu'un simple moyen de subvenir à ses besoins? N'est-il pas ce qui permet à l'homme de se libérer des nécessités naturelles, de développer ses dispositions et par là même de s'humaniser? Le travail n'a-t-il pas, au-delà des manifestations particulières qui peuvent le rendre aliénant voire dégradant, une valeur intrinsèque incontestable? Et au-delà des aspects positifs du travail, peut-on aller plus loin et cesser d'y voir un moyen pour autre chose : peut-il être une fin?
1- Le travail comme moyen de subvenir a ses besoins
La finalité première du travail a toujours été de permettre à l'homme de subvenir à ses besoins : le travail est intimement lié au besoin, à la nécessité de "gagner sa vie", de produire ses moyens d'existence.
Mais en un certain sens, "l'animal aussi produit. Il construit son nid, son habitation, tels l'abeille, le castor, la fourmi... Mais il produit seulement ce dont il a immédiatement besoin pr lui et pr sa progéniture; il ne produit que sous l'empire du besoin physique immédiat, tandis que l'homme produit alors même qu'il est libéré du besoin physique, et il ne produit vraiment que lorsqu'il en est libéré." (Marx, Manuscrits de 1844)
Si le travail est toujours un moyen de subvenir à ses besoins il peut également permettre de satisfaire ses désirs; l'homme aspire à gagner plus que ce qui lui permet d'assouvir ses seuls besoins primaires : le désir de s'offrir des loisirs est une motivation qui au niveau individuel permet de tirer profit de son labeur au-delà de la stricte sphère des besoins. Le travail est donc aussi un moyen d'accéder aux divertissements qui rendent la vie digne d'être vécue et permettent de mieux supporter la contrainte du travail.
Cependant cette possibilité n'est pas tjs ouverte au travailleur : certaines professions offrent un salaire qui ne permet guère d'excéder la sphère des besoins. Cette situation n'est pas seulement celle de certaines catégories professionnelles, elle est ds certains pays, celle de l'immense majorité des travailleurs. Le travail reste alors une nécessité vitale.
Lorsque le travail n'est qu'un moyen de subvenir à ses besoins, il peut en effet être considéré comme une tâche pénible et dégradante voire comme une malédiction. Il est alors source d'aliénation. Lorsque le travail est pénible, répétitif et ss attrait, il n'est qu'un moyen de subvenir à ses besoins : l'ouvrier qui travaille à la chaîne, l'enfant du tiers monde qui fabrique des allumettes ou la caissière de supermarché ont bien du mal à voir ds le travail autre chose qu'un moyen de survivre.
Le taylorisme : vous connaissez...
Les conceptions antique, médiévale du travail :
- Grèce Antique : lien étroit entre le travail et l'esclavage et donc entre le loisir et la liberté. Le travail manuel est dévalorisé voire méprisé comme simple moyens de satisfaire les besoins physiques. Travailler, c'est être asservi aux nécessités purement matérielles. L'humanité est ailleurs, au-delà de cet aspect purement naturel et matériel. Lorsque le travail n'est qu'un moyen de subvenir aux besoins vitaux, il n'est pas spécifiquement humain, c'est pourquoi on réserve, ds la mesure du possible le travail à des esclaves; l'esclave n'est pas un homme à part entière, il n'est pas une personne (Aristote).
- Dans les sociétés féodales, seules les basses classes (paysans, artisans...) travaillent : les seigneurs et les nobles vivent du travail de leur serfs.
bilan : mais le travail n'est-il qu'un moyen de subvenir à ses besoins? Est-il indissociable d'une contrainte aliénante? S'il est parfois (circonstances économiques générales ou particulières) perçu comme une activité pénible et dégradante, ne possède-t-il pas par lui-même certaines vertus? N'est-il pas ce qui a permis à l'homme de s'émanciper de la nécessité naturelle et de s'humaniser?
2- Le travail comme facteur de libération et d'humanisation
Avec la modernité, l'industrialisation et l'avènement du capitalisme le travail sera considéré comme une valeur indépendamment de sa fonction primitive.... Mais est-ce que le travail n'a pas toujours eu une valeur?... N'a-t-il pas en lui-même une valeur?
- rôle du protestantisme ds la réhabilitation du travail : le travail est une fatalité à laquelle on peut échapper grâce au travail. Voir Weber
Si le travail peut être autre chose qu'un moyen, s'il a en lui-même, par essence une valeur, tout travail, y compris le plus ingrat et le plus dégradant en apparence : celui de l'esclave (cas extrême), doit pouvoir être analysé selon ce critère.
Dans la Phénoménologie de l'Esprit, Hegel (1770-1831) expose sa célèbre dialectique du maître et de l'esclave.
Tout commence par la lutte à mort pr la reconnaissance : Hegel veut montrer que la rencontre avec autrui prend la forme d'une lutte, d'un conflit dt le risque est la mort et l'enjeu la reconnaissance par l'autre de mon humanité : lutte pr que l'autre me reconnaisse en tant que personne.
La lutte à mort est une image destinée à faire comprendre la nature de la relation à l'autre : relation par essence conflictuelle, violente; lutte pr dominer l'autre, pr s'en rendre maître.
Hegel veut montrer que ds la mesure où un individu accepte de risquer sa vie pr qqch (ici pr se faire reconnaître par autrui), il n'est pas simplement un être vivant, un être biologique; il ne se réduit pas à sa simple animalité et au souci de conservation de soi : il risque sa vie.
En effet, l'homme n'accède à la véritable cs de son humanité que lorsqu'elle est reconnue par un autre, lorsqu'elle est confirmé ds le regard que l'autre porte sur moi (l'autre comme miroir) : la cs de soi véritable requiert la médiation de l'autre; être cst de soi comme être humain, c'est être reconnu comme homme par un autre homme, par un autre être cst (pb de Robinson qui se deshumanise).
A l'issue de cette lutte à mort pr la reconnaissance, l'un abdique : il devient l'esclave : il est le premier à abandonner la lutte montrant ainsi que sa survie biologique est plus importante à ses yeux que sa reconnaissance en tant qu'être humain, en tant qu'être libre, en tant que personne; il reste proche de l'animalité. L'esclave est celui qui a préféré la soumission, la servitude à la mort.
A l'origine, l'esclave est celui qui à l'issue d'une guerre ou d'un conflit conserve sa vie à condition de la mettre au service du vainqueur : il renonce à sa liberté et ainsi à sa dignité d'être humain pr conserver sa vie.
Le vainqueur de la lutte devient le maître : il a accepté de courir le risque jusqu'au bout pour prouver son indépendance face aux préccupations biologiques; sa liberté est plus importante que sa vie; il est prêt à mourir pour elle : "c'est seulement par le risque de sa vie que l'on conserve sa liberté". Le maître est celui qui a réussi à montrer que ce pr quoi il risque sa vie a plus de valeur qu'elle : reconnaissance de l'autre, liberté; il se définit et s'éprouve comme autre chose qu'un simple être vivant : être homme, c'est pouvoir mettre sa vie en jeu pr prouver la valeur de son existence. Le maître prouve qu'il a dépassé la nature.
Le maître et l'esclave de l'analyse hégélienne ne sont pas des êtres concrets mais des figures, des symboles (la figure de l'esclave, la figure du maître) destinés à mettre en évidence l'essence de l'esclavage et de la maîtrise, faire ressortir les caractéristiques fondamentales de chacun.
L'esclave va travailler pr le maître, se mettre à son service. Il est condamné à travailler, à satisfaire les besoins, les désirs voire les caprices du maître.
Le maître ne travaille pas : il profite du travail de l'esclave, il consomme et "détruit" les produits du travail de l'esclave.
MAIS, par un retournement dialectique, un renversement du rapport maîtrise-servitude va se produire : inversion du rapport.
L'esclave, contraint au travail va devenir le moteur de la libération humaine. Alors que la maître, n'étant que propriétaire du moyen de production et de la force de travail, sombre ds la barbarie du caprice, l'esclave va apprendre la discipline et se libérer de l'instinct. Le maître est ds la sphère de la jouissance pure et simple, du plaisir ss effort, il devient tt entier dépendant du travail de son esclave; la satisfaction de ses besoins, sa richesse dépendent de la soumission de son (ou de ses) esclave (s). Par cette dépendance le maître devient en un sens l'esclave de son esclave.
A l'inverse, l'esclave, par son travail parvient à dominer les choses, acquiert un pvoir sur la nature, sur la matière qu'il transforme. Il se libère de la tutelle de la nature en la maîtrisant. Il transforme le monde et se transforme lui-même. Le rapport du maître à la nature est médiatisé par l'esclave : le maître ne vit pas ds un monde naturel ms ds un monde transformé et humanisé par le travail de l'esclave. En travaillant, ce dernier imprime sa marque personnelle ds les choses, ds les objets qu'il fabrique. Il développe et extériorise ses capacités : ses capacités sont objectivées ds ce qu'il fabrique. Les objets qu'il fabrique sont la marque concrète de son pvoir sur les choses. Par ce biais, il peut prendre cs de sa propre valeur, de son importance.
La révolte de l'esclave marque cette prise de cs : prise de cs que le travailleur est plus important que celui qui se contente de commander ss rien faire : ce dernier n'est rien ss l'esclave (cette analyse inspira à Marx sa théorie de la lutte des classes).
Ce que Hegel cherche à montrer, c'est que le travail libère parce qu'il implique un maîtrise réelle sur les choses : le travail produit. Le travailleur produit une "oeuvre" et réalise ainsi un projet ds lequel il peut se reconnaître, se contempler : il se réalise pleinement comme être intelligent. Le travail est un facteur de libération de l'esclave en tant qu'il conditionne et favorise la prise de cs de soi. De plus le travail objective (rend concrètes, visibles) les capacités humaines. Par le travail l'homme prend conscience de ce dt il est capable. L'analyse hégélienne tend à montrer que tte maîtrise de soi et du monde passe par le travail.
Le travail forme, il éduque; il civilise l'homme, le rend humain. L'homme qui veut ou doit travailler doit refouler ses instincts qui le poussent à consommer immédiatement l'objet brut; il doit se discipliner, dépasser les instincts qui le rive à la nature et à l'animalité. L'esclave se transcende en travaillant : il sublime ses instincts en les refoulant. Par et ds le travail l'homme se réalise en tant qu'homme.
C'est seulement le travail qui peut créer un monde culturel et humain.
Le travail humanise l'homme (Marx) : c'est seulement par accident qu'il devient aliéné et aliénant. Par essence il est libérateur.
"Ce qui est animal devient humain, ce qui est humain devient animal."
Le dvt des dispositions : Kant : I.H.U.
3- Le travail comme facteur d'intégration sociale et d'épanouissement individuel
- le travail comme facteur d'intégration sociale : voir Durkheim
* le pb du chômage : le chômage n'est jm vécu comme une libération; s'il est vécu comme un drame, ce n'est pas seulement en tant qu'il compromet la satisfaction des besoins; il n'est pas seulement un drame économique, il est un drame psychologique. On perd une part de soi-même en perdant son travail : on cesse d'exister socialement. L'absence de reconnaissance sociale est source de souffrance; le sentiment de n'être plus utile débouche sur le sentiment de ne plus exister. La reconnaissance sociale est aussi un besoin (un besoin humain) et elle contribue à la formation de l'identité : le regard d'autrui me fait exister socialement.
Le chômage comme atteinte à la dignité : le chômeur se sent un fardeau pr la société. Honte de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.
Le traumatisme de la retraite : la peur de l'ennui
Frustration de la femme au foyer
Le travail permet d'exister socialement
Le paradoxe du droit au travail
- le travail a ainsi une valeur morale : dignité de celui qui gagne honnêtement sa vie. Indignité de l'homme s'il ne développe pas ses potentialités, s'il les laisse dormir.
La moralisation par le travail : un dur labeur est la meilleure des polices (Nietzsche).
- le travail comme facteur d'épanouissement
Ds certaines condition seulement - lorsqu'il est choisi librement, aimé - le travail peut également jouer un rôle par rapport à l'individu : facteur d'épanouissement personnel : le travail comme moyen de se réaliser, de s'affirmer.
Reconnaissance de soi ds une oeuvre : artisan, artiste
Affirmation des soi en tant qu'être humain et individu.
* quand le travail est aliénant il n'est pas affirmation de soi ms négation de soi : en tant qu'être humain et individu. L'ouvrier de l'usine est déposséder de sa force de travail (qu'il vend) et du produit de son travail ds lequel il ne peut se reconnaître.
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